Le président gabonais Ali Bongo défend son bilan et nie avoir menti sur ses origines ...

Ali Bongo Ondimba, 56 ans, a été élu président du Gabon à l’issue d’une élection contestée en 2009, quelques mois après la mort de son père, Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait ce pays d’Afrique centrale depuis 1967. La prochaine présidentielle, au premier semestre 2016, s’annonce tendue alors que l’opposition se mobilise et que le Gabon, pays pé­trolier, subit l’effondrement des cours du brut.

 

Le Monde : Manifestations, chantiers arrê­tés… Le Gabon est­-il en crise ?

Ali Bongo Ondimba : Non. Comme d’autres pays producteurs de pétrole, le Gabon subit la baisse des cours, mais nous avons fait des choix qui se sont avérés payants. Nous avons réduit notre dépendance au pétrole en diversifiant notre économie. Il faut transformer nos matières premières pour créer de la valeur ajoutée et des emplois. L’objectif est d’aller vers l’émergence du Gabon en 2025, à condition de mener des réformes et de créer un cadre attractif pour les affaires.

 

La dette a gonflé. Si l’Etat est mauvais payeur, comment attirer des investisseurs ?

ABO : En 2014, nous avons payé environ 2 milliards d’euros de dette intérieure sans entamer notre programme d’investissements. Peut­-on alors parler de faillite ? Depuis mon arrivée en 2009, nous avons triplé le montant alloué aux investissements. Il ne fallait pas non plus laisser les Gabonais au bord de la route. Trente pour cent d’entre eux vivent dans la précarité. Cela demande donc des ajustements. La lutte contre la précarité et la réduction des inégalités sont essentielles.

 

Cette volonté de réduire les iné­galités est­-elle compatible avec des dépenses somptuaires ?

ABO : Certains projets ont été différés au profit des programmes d’investissements humains. Ce sont des choix délibérés, non des abandons par manque de moyens.

 

Il y a eu des manifestations violentes en décembre 2014. Est­-ce le signe d’une radicalisation d’une partie de l’opinion ?

ABO : Dans une démocratie, il est normal de voir des manifestations de temps en temps.

 

Mais la mort d’un manifestant a provoqué un grand émoi…

ABO : On a tenté d’utiliser politiquement ce drame affreux et de le mettre sur le compte de l’Etat. Nous savions que la manifestation pourrait mal tourner. C’est pourquoi nous l’avions interdite. Je ne vois pas d’alternative ni d’autres programmes. Ces derniers temps, il s’agit davantage de trouver les moyens d’écarter Ali Bongo Ondimba plutôt que de proposer une alternative économique et sociale.

 

Que faire pour que la présidentielle de 2016 se déroule dans un climat apaisé et éviter les contestations de 2009 ?

ABO : Nous avons pris des mesures pour que les élections soient beaucoup plus transparentes. Nous sommes passés à un système biométrique qui interdit aux gens de voter plusieurs fois. Cela a porté ses fruits puisque les dernières élections locales ou sénatoriales n’ont pas été contestées.

 

Mais l’opposition les a boycottées

ABO : Non ! Seules les législatives ont été boycottées. Nous avons une des lois électorales parmi les plus rigoureuses. Mais là où il faut être clair, c’est que je ne laisserai pas le désordre s’installer !

 

Pierre Péan vous accuse d’avoir menti sur vos origines, d’être né au Biafra, de ne pas être le fils naturel de l’ancien président Omar Bongo Ondimba…

ABO : L’opposition relaie ces accusations, mais cela n’a pas de portée. Elle a peur d’aller aux élections, donc elle cherche un moyen d’écarter le citoyen Ali Bongo Ondimba, de l’empêcher de se présenter à une élection en inventant toute une histoire ridicule, inexacte, fausse.

 

Alors pourquoi la polémique perdure-­t­-elle ?

ABO : C’est aux accusateurs d’apporter la preuve de leurs affirmations. Je ne me préoccupe pas d’un problème qui n’existe pas. Je sais qui je suis. Ce qui est dangereux, en revanche, c’est de bâtir toute une stratégie sur le mensonge, la haine et la xénophobie.

 

Concernant les relations avec la France, vous avez connu le président Nicolas Sarkozy, et maintenant François Hollande. Notez­-vous une rupture ?

ABO : Chaque homme a sa façon de faire. Mais le Gabon est un partenaire solide de la France dans la ré­gion. La France a des intérêts au Gabon, parmi les plus importants de ceux qu’elle détient en Afrique. Ce que nous souhaitons c’est développer et enrichir ce partenariat, mais de manière différente par rapport au passé, sur une base gagnant-gagnant.

 

Le groupe djihadiste Boko Haram a attaqué votre voisin le Cameroun, quel rôle le Gabon peut-­il jouer ?

A Yaoundé, début février, la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale [CEEAC], a décidé de soutenir le Tchad et le Cameroun, conformément au pacte d’assistance mutuelle de la CEEAC. Ce soutien peut prendre la forme de l’envoi de troupes, comme le fait le Tchad, ou autre chose. Nous étudions comment soutenir les efforts de nos frères placés en première ligne.

 

Existe­-t-­il un risque de débordement au Gabon ?

ABO : La question du fondamentalisme est à prendre très au sé­rieux. Nous avons vu beaucoup de terroristes, rebelles ou braconniers parler les uns avec les autres. La grande criminalité transnationale regarde toutes les activités possibles de trafics. Et ces ressources-­là peuvent aussi, demain, servir les terroristes. Nous nous sentons attaqués. La sous­-région se sent attaquée. Si demain, Boko Haram emporte des succès au Cameroun, il ne s’arrêtera pas là.

 

fin

Ali Bongo Ondimba: « La stratégie de l’opposition est bâtie sur la haine »
Retour à l'accueil